À l’initiative du ministre de l’Économie numérique, des postes et des télécommunications, Gourna Zacko, et du ministre des Finances et du budget, Calixte Nganongo, un projet de loi établissant un cadre juridique pour la cryptographie et les monnaies numériques, a été salué. Ce projet de loi s’inscrit dans la volonté du gouvernement de relancer l’économique et de consolider la paix dans le pays.
La Centrafrique face au ralentissement de son économie
En République centrafricaine, la crise sanitaire a entraîné un ralentissement de l’économie locale en raison de la faiblesse de la demande de matières premières agricoles et minières et des restrictions pour empêcher la propagation du virus. Le secteur tertiaire (de services : commerce et hôtellerie) a également été touché.
Ainsi, le taux de croissance du pays est passé de 4,5 % en 2019, à 0,4 %, en 2020. Par ailleurs, son solde budgétaire a diminué de 0,2 % du PIB en 2019 à un déficit de 2,2 % du PIB en 2020, en raison de la baisse des recettes provenant des paiements, des droits d’accises et de la taxe sur la valeur ajoutée, due à des perturbations de la production et à la suspension de certaines activités économiques selon la Banque africaine de Développement. La relance du pays était conditionnée par la fin de la pandémie et la reprise des activités économique, une relance qui a été disruptée par la guerre en Ukraine.
La crypto, une alternative en faveur d’un renouveau économique ?
La Centrafrique est l’une des anciennes colonies Française. Elle a gagné son indépendance en 1960, mais le pays reste toujours affecté par son héritage colonial et subit encore notamment, une dépendance monétaire vis-à-vis de son ancienne colonie (FCFA) et de l’extérieur (exportations).
Lors de la Bitcoin Conference de 2022 qui s’est déroulée à Miami du 6 avril au 9 avril, les avantages concernant le passage via la crypto pour échanger, envoyer ou recevoir de l’argent de l’étranger avaient été mis en avant.
De manière générale, grâce à la cryptographie, il est possible de se défaire des systèmes de paiements opaques et ouvrir les échanges grâce aux propriétés intrinsèques de la blockchain. En effet, le FCFA est une monnaie peu reconnue contrairement à l’Euro et le Dollar. Il est alors plus facile pour une personne d’échanger de l’euro ou du dollar que du FCFA.
Les populations ont alors tendance à troquer leur FCFA contre ces monnaies qui évoluent dans un système adapté pour elles. Les différents frais de changes qui s’ajoutent à cette conversion pénalisent forcément les populations en plus des délais de transferts souvent longs (1 à 3 jours). Or, passer par les cryptomonnaies implique des frais très minimes (de l’ordre de quelques centimes) et des virements instantanés. C’est dans ce contexte que ce projet de loi a été proposé afin de dynamiser l’économie en facilitant les échanges et adopte le Bitcoin comme monnaie légale.
En outre, le pays est plongé dans un conflit qui dure depuis 2013. Au départ, des affrontements entre Séléka et milices anti-balaka, majoritairement chrétiennes, avaient fait des milliers de morts. On avait alors eu l’intervention française, avec l’opération Sangaris, qui a pris fin en octobre 2016, les Nations unies avaient alors pris le relais et déployé plus de 11.000 soldats.
Les tensions et conflits ont été importants jusqu’en 2020, sous fonds de revendications communautaire, opposant chrétiens et musulmans sur les ressources économiques (importantes) du pays. Suite au retrait de la France, la Centrafrique a fait appel à la Russie en contrepartie de la cession d’exploitations minières. La Russie a alors déployé ses mercenaires du groupe Wagner. Cette initiative a contribué à repousser les rebelles qui tentaient de s’emparer de Bangui, la capitale du pays au détriment de la population locale, victimes d’exactions graves selon l’ONU, et participé à tendre les relations internationales entre la France et la Centrafrique.
Dans ce climat de tension qui perdure, encouragé par l’instabilité économique et politique du pays, le gouvernement semblerait trouver une solution dans un renouveau économique grâce à la cryptographie, du moins, c’est ce qu’il affirme. Ses liens avec la Russie qui est sous le coup des sanctions économiques internationales laissent penser que cette initiative a été encouragée ce dernier. Ainsi, cette initiative ne serait qu’un moyen pour cette dernière d’avoir une succursale de transactions non déclarées qui échapperait au contrôle international et lui permettrait ainsi de contourner les sanctions économiques. Affaire à suivre.
Article modifié le 26 Avril 2022 suite au décret d’adoption du Bitcoin signé à cette date.